Les surréalistes français faisaient du marché aux puces de Saint-Ouen un terrain d’aventure et d’expérimentation poétique. La découverte d’un objet, la « trouvaille », remplissait pour André Breton (1992) le même office que le rêve. Il a décrit ces rencontres catalytiques qui s’opèrent quand par un « hasard objectif » un objet surgit pour répondre à une attente, un désir informulé ; ces moments où des portes s’ouvrent par l’entremise des trouvailles entre rêve et réalité et où l’objet fait signe en s’adressant à celui ou celle qui le trouve. Le marché aux puces de Bruxelles constitue comme ses homologues européens un environnement propice à la rêverie et aux expériences d’enchantement. Il y a là une énigme qui mérite d’être posée : quelles prises offrent ces marchés ? A quoi tient cette possible transmutation de l’objet ? Le temps, l’usure, la vacuité d’usage ? Nous analyserons dans une première partie l’écologie sensible des marchés aux puces et les caractéristiques propres à celui du jeu de Balle. Nous décrirons dans un deuxième temps les pratiques de ces personnages du vieux marché, ces glaneurs de rêves et de mémoire qui œuvrent à sauver des objets, des émotions, et des « vies de papier » . Chemin faisant nous tenterons de spécifier le sentiment d’enchantement qui s’éprouve dans cet environnement.