A la fin du XIXème siècle, dans un contexte de crise, les Etats-Unis, l’Espagne et la France voient apparaître des mouvements de masses – People’s Party, Boulangisme, Blasquisme - qui s’appuient sur l’usage du suffrage universel et des possibilités offertes par les lois libérales. Parfois qualifiés de « populistes » par l’historiographie et les sciences politiques, ces mouvements issus du républicanisme radical développent un fort constitutionalisme : tout en embrassant d’autres problématiques, ils pensent en termes de solutions institutionnelles. C’est ainsi qu’ils remettent en cause le parlementarisme comme « modèle d’ordre politique » qui, malgré des différences, organise ces pays dans des systèmes bicaméraux avec une chambre basse élue au suffrage universel masculin direct et une chambre haute élue au suffrage restreint. Leur antiparlementarisme prend pourtant des formes variées quoique souvent complémentaires : Jean-Claude Caron avait souligné qu’il pouvait aussi bien s’agir d’un rejet de la représentation, que d’une dénonciation d’abus ou de certains élus contrevenant à leur mandat. Dans les faits, ces différents mouvements opposent une oligarchie élue corrompue à la « souveraineté du peuple » usurpée qu’ils comptent restaurer. Cette dénonciation du déficit de démocratie et ce procès en légitimité ne se confondent pas avec un rejet de toute représentation : d’une part, ces mouvements disposent d’élus, certes marginalisés, dans ces hauts lieux de « mise en scène » du pouvoir politique (une possible contradiction qu’il faut interroger), d’autre part, ils considèrent le parlementarisme comme une modalité particulière de la représentation qu’ils rattachent à la monarchie. On retrouve des débats qui animèrent les révolutions du XVIIIème siècle dans la geste desquelles ceux-ci veulent s’inscrire. Nous voudrions explorer et comparer l’antiparlementarisme de ces différents mouvements dans toute sa complexité, à travers ses ressors et ses expressions, mais également étudier les modalités que ceux-ci proposent afin d’améliorer ou de contourner le système parlementaire, l’antiparlementarisme étant aussi vecteur d’innovations (mandat impératif, initiative et référendum, extension du suffrage direct).